Joseph Lipp, un Alsacien dans la Grande Guerre
Le champ de bataille d’Armentières photographié entre le 9 et le 11 avril 1918
© The Trustees of the Imperial War Museum, Londres
17 et 18 juillet 1918, des blindés français en forêt de Villers-Cotteret attaquent les positions de l’I.R. 138 (6)
A la fin de l'année 1917, l'état-major allemand, décide d’obtenir une percée décisive en France avant l’arrivée massive des effectifs américains. Subissant des pertes dramatiques d'effectifs, il choisit d'affecter les 100 000 nouvelles recrues allemandes âgées de 18 ans sur le front oriental où les combats ont cessé et de ramener en échange les 85 000 Alsaciens-Lorrains expérimentés et jugés plus fiables sur le front français (1).
En cinq mois, une cinquantaine de divisions (soit environ 800 000 hommes) sont ramenées du front oriental. Vers le début mars 1918, l’armée allemande dispose en France de 197 divisions contre 172 divisions pour les forces alliées (97 françaises, 57 britanniques, 12 belges, 4 américaines, 2 portugaises) (1).
Un véritable enfer s'abat sur cette partie du front à partir du 9 avril 1918. Il s'agit d'une offensive allemande de grande ampleur qui prendra le nom de bataille de la Lys. L'I.R.138 est placé en 1ère ligne : les divisions allemandes très supérieures en nombre attaquent des unités portugaises qui se battent courageusement mais finissent par se débander. La situation devenue critique est rétablie par des unités anglaises (régiments de Durham et de Yorkshire-Light infanterie) et australiennes venues en renfort (4). Voici comment est décrite une attaque allemande sur le secteur : " ce sont les mitrailleurs (britanniques) qui, encore, ont raison de la puissance numérique des assaillants : en rangs serrés, sûrs d'eux, les grenadiers (allemands) avancent. Ils ne sont plus qu'à 60 mètres du but. Ils vont l'atteindre. Les mitrailleurs déclenchent leurs tirs. Le premier rang est fauché et le second fortement entamé. Mais il y en a un 3e et un 4e qui, piétinant les cadavres, continuent leur marche en avant. Les mitrailleurs vont être débordés ; les baïonnettes luisent au-dessus de leurs têtes. A portée de leurs mains des " pétards " sont là tout prêts. Ils les allument, leurs mitrailleuses éclatent, leur chair est déchiquetée, la troisième vague allemande décimée… " (4).
A la fin du mois de juin la 42e division est transférée dans le département de l'Aisne, au Sud-Ouest de Soissons près de Villers-Cotterêts. L'I.R.138 y participe à l'avancée des troupes allemandes durant la seconde bataille de la Marne.
L’unité est ensuite en première ligne à partir du 18 juillet face à la contre-offensive alliée menée dans cette zone par les 1ère et 2e divisions américaines et la 1ère division marocaine (zouaves, tirailleurs et légionnaires). Les pertes deviennent alors énormes : 54 morts, 168 blessés et 741 disparus, qui sont pour la plupart faits prisonniers (2).
Le régiment est relevé du front le 22 juillet et effectue un déplacement à pied jusqu'à l'Est de Reims. Elle se reconstitue durant un mois à partir d’éléments dissous de la 211e division. A partir du 22 août, la 42e division monte en ligne en Champagne. Les pertes de l’I.R. 138 sont encore relativement importante du 27 août au 20 octobre (289 morts et disparus, 165 blessés) près des villages de Tahure, Le Mesnil, Vouziers, Beaurepaire et Olizy face à la IVe armée française (2). Dans ce dernier village, l’I.R 138 est opposé à la 2ème division marocaine à partir du 17 octobre.
Par la suite, l'I.R.138 ne subit plus aucune perte mais reste néanmoins sur la ligne de front jusqu’à l’armistice. Après le 11 novembre, elle effectue une marche de retraite continue en Belgique, au Luxembourg puis en Allemagne. Les hommes qui ont participé à l'ensemble de la guerre ont parcouru en tout 3 763 km à pied ! (2)
Bibliographie générale :
1 : J.C.Laparra (2006) La machine à vaincre : l'armée allemande 1914-1918, p.254
2 : W.Lasch (1921) Erinnerungsblätter deutscher Regimenter, Herausgegeben unter Mitwirtung des Reichsarchivs, 3.Unterelsässisches Infanterie-Regiment Nr. 138, Oldenburg
3 : W.Flex (1916) Le pélerin entre deux mondes (Der Wanderer zwischen beiden Welten), Paris
4 : L.D.Bézégher (1976) Histoire de Merville
5 : P. Dollinger, F. L'Huillier (1991). Histoire de l'Alsace, Edition Privat
6 : W.Lasch (1937) Geschichte des 3.Unterelsässisches Infanterie-Regiment Nr. 138 1887-1919, Saarbrucken
7 : H.Ortholan (2007) La guerre des chars 1916-1918
Sources familiales :
8 : souvenirs d’Alice Keichinger, fille de Joseph Lipp
Site internet :
9 : Wikipedia “EIsernes Kreuz”
Attaque de chars Renault FT 17 près de Soisson en face des positions allemandes tenues notamment par l’I.R.138.
Le 18 juillet 1918, l’armée française concentre 730 chars (Renault, Schneider et Saint Chamond) pour une attaque brusquée entre la Marne et l’Aisne. Il s’agit de la première offensive de l’histoire militaire avec utilisation massive de plusieurs centaines de chars. Les pertes durant cette journée atteignent dans de nombreuses unités la moitié des chars engagés malgré cela, les lignes allemandes sont profondement enfoncées (7).
Carte générale des déplacements de l’I.R.138 au cours du premier conflit mondial (pour plus de détails, cliquer dessus)
[
./indexpag.html]
[
./joseph_lipppag.html]
Biographie générale de Joseph Lipp
[
./joseph_lipp_alsatiapag.html]
Joseph Lipp et l’entreprise Alsatia
[
./joseph_lipp_1918pag.html]
[
./carte_1418pag.html]
Janvier à novembre 1918, la guerre à l’Ouest
Joseph durant sa permission en compagnie de son épouse Célestine et de ses deux enfants Aimé et Alice. Joseph Lipp porte ici son uniforme et arbore le ruban de la croix de fer de 2e classe : Eisernes Kreuz II (9).
La 42e division est ensuite postée dans le secteur “relativement” calme de Lens du 30 avril au 25 juin 1918, l'unité est engagée dans la bataille de Lens face aux troupes britanniques. Les pertes sont relativement faibles : 25 morts et disparus, 86 blessés (2).
Du 9 au 16 avril, on dénombre 205 morts et disparus ainsi que 626 blessés au sein de l'I.R.138 (2). Globalement, la 42e division pert 50% de ses forces disponibles en huit jours (1). L’unité est relevée le 17 avril par la 12e division.
Il est intéressant de rappeler ici que selon le témoignage de Joseph Lipp, de tous les adversaires de l’armée allemande, les Anglais étaient les plus détestés par lui-même et son unité, bien plus que les Russes, les Américains ou les Français, et qu’ils avaient des pratiques de combat qui semblaient indignes aux unités allemandes, sans que nous en connaissions le détail (7).
Nous conclurons cette chronique par les mots qu'employait Walter Flex au sujet des hommes de l'I.R.138 à la fin de l'année 1915 :
"Nous sommes tous devenus bien différents parce que nous avons vécu des moments que nul mot humain ne peut exprimer … Nos hommes endurant des privations, des souffrances et des peines indescriptibles, mais seul a de la valeur et du poids ce qu'ils font et supportent volontairement, en faisant fièrement et en toute conscience le don de leurs propres personnes… ". (3)
Du 21 au 27 décembre 1917, l'I.R.138 est transporté en train à travers l'Allemagne et les territoires occupés jusqu'à Roubaix (Nord) (2).
Le régiment fait toujours partie de la 42e division. Il relève la 4e division à partir du 23 janvier à proximité des villes de Pérenchies et d'Armentières à l'ouest de Lille en face de la 1ère armée britannique. L’I.R. 138 y restera posté jusqu’au 22 mars, date à laquelle il est relevé par la 32e division (2). Les pertes sont relativement faibles durant cette période.
Carte postale envoyée le 18 février 1918 par Joseph Lipp à sa famille. Elle figure le grand théatre (actuel opéra) de Lille. Cet édifice inauguré en 1914 après l’incendie du précédent a été utilisé par les allemands durant les quatre années du conflit, où Lille était occupé, pour y produire des spectacles et des concerts.
Carte de la bataille de la Lys au niveau d’Armentières du 9 au 17 avril 1918. Les unités allemandes, dont l’I.R. 138, progressent en profondeur sans pouvoir rompre le front (6).
Carte de la région de Lens en avril 1918 où figure la position de l’I.R. 138 (4).
La bataille de la Lys - 9 au 17 avril 1918
Durant le mois de juin, Joseph Lipp obtient une permission qui lui permet de rejoindre sa famille à Wettolsheim (Haute-Alsace) durant quelques jours.
Au cours de cette permission, un photographie permet de constater que Joseph Lipp a été décoré de la croix de fer (Eisernes Kreuz II). Cette décoration était accordée aux soldats ayant accompli des faits d’une bravoure particulière (9).
Cette décoration a été probablement obtenue en début d’année 1918, peut-être durant l’offensive de la Lys. Nous en connaissons les circonstances : Joseph Lipp était allé secourir l’un de ses officiers qui avait été blessé en avant des lignes et l’avait ramené à l’abri. Il racontait après la guerre que dans ces circonstances d’autres combattants auraient probablement abattu cet officier “prussien” d’une balle dans le dos (8).
Au cours de l'ensemble du conflit, les pertes du régiment s'élèvent à 2 862 morts et 5 448 blessés (2) … pour un effectif total, renouvelé au fur et à mesure des pertes, qui peut être estimé à 2900 hommes en début de conflit et qui a baissé jusqu'à 2100 hommes en 1918 ! (1)
© The Trustees of the Imperial War Museum, London
“Sturmtruppe geht unter gas vor”
“Peloton montant à l’assaut sous les gaz”
Cette oeuvre de l’artiste allemand Otto Dix figure l’horeur et l’inhumanité de la Grande Guerre.
[
./joseph_lipp_1917pag.html]
[
./joseph_lipp_1916pag.html]
[
./joseph_lipp_1915pag.html]
[
./joseph_lipp_1914pag.html]
[
./joseph_lipp_1907pag.html]
[
./joseph_lipp_1917pag.html]
[
./joseph_lipp_1916pag.html]
[
./joseph_lipp_1915pag.html]
[
./joseph_lipp_1914pag.html]
[
./joseph_lipp_1907pag.html]
[
Web Creator]
[
LMSOFT]